La FEBEG a introduit un recours (1) auprès de la Cour constitutionnelle demandant d’annuler certaines dispositions du décret wallon relatif aux marchés du gaz et de l’électricité adopté le 3 février dernier. La FEBEG juge ces dispositions inconstitutionnelles et inacceptables dans une démocratie en ce qu’elles accordent au Gouvernement wallon le droit de s’arroger des pouvoirs spéciaux pour déroger aux décrets, ce sans limite de temps et sur base de critères purement subjectifs.
Les dispositions contestées du décret modifient les décrets électricité et gaz et confèrent les pleins pouvoirs au Gouvernement wallon pour déroger aux décrets gouvernant les marchés du gaz et de l’électricité dès lors qu’il estimerait de son seul chef qu’une situation peut être qualifiée de crise. Selon ces dispositions, il suffit à l’autorité qui bénéficie des pouvoirs spéciaux, soit le Gouvernement, de décider que les circonstances de crises sont réunies pour recevoir ces pouvoirs spéciaux. L’objectif sous-jacent du législateur est de garantir le droit à l’énergie des clients résidentiels impactés par une crise. Cet objectif, la FEBEG le partage pleinement ! En revanche, les moyens employés, à savoir un droit illimité à des pouvoirs spéciaux qui sont fondés sur la seule appréciation du Gouvernement, sont pour la FEBEG disproportionnés, inadéquats et inconstitutionnels. Les pouvoirs spéciaux doivent rester une mesure tout à fait exceptionnelle et les crises passées ont d’ailleurs largement démontré la capacité du Parlement à se mobiliser pour prendre rapidement les décisions nécessaires.
Les dispositions attaquées du décret du 3 février 2022 représentent un risque pour le respect des principes fondamentaux de notre démocratie. Les décrets électricité et gaz résultent de vingt ans de débats parlementaires. Ils sont la somme de l’expérience accumulée et des options politiques défendues par les députés au fil des législatures et ce, depuis la libéralisation du marché. Que les droits et obligations fixés par ces deux décrets puissent être modifiés par simple arrêté de Gouvernement, sans passer par les étapes du processus législatif, résulte en un manque de transparence et une volonté d’appropriation par l’Exécutif – moins soumis aux règles de publication et de débat contradictoire - d’une matière réservée au Législateur.
Nombres d’acteurs publics ont, comme la FEBEG, formulé de sérieuses réserves à l’encontre de ces dispositions lors du processus législatif ayant conduit à l’adoption du décret. Le régulateur wallon (la CWaPE), le CESE (Le Conseil économique, social et environnemental de Wallonie) et le Conseil d’État ont aussi émis des remarques dont il n’a pas toujours été tenu compte. Certains de ces acteurs ont notamment pointé le déficit démocratique de ce texte.
Marc Van den Bosch, General manager de la FEBEG : « Les articles contestés affectent la FEBEG et ses membres, ce au cœur même de la mission de la fédération visant à assurer des conditions stables, favorables et non discriminatoires d’un point de vue légal, réglementaire et économique au sein du marché de l’électricité et du gaz. Gérer des crises éventuelles peut très bien se faire rapidement via les voies démocratiques et les procédures législatives ordinaires. L’histoire nous montre d’ailleurs que le Parlement est parfois bien plus rapide dans l’adoption de règles que ne l’est le Gouvernement dans ses prises de décisions. Conférer des pouvoirs spéciaux à durée indéterminée au Gouvernement manque de transparence démocratique, ne permet pas de débat avec les parties prenantes et constitue un précédent dangereux».
(1) Le recours de la FEBEG auprès de la Cour constitutionnelle est consultable ici.
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Quelles raisons principales motivent-elles l'introduction par la FEBEG de ce recours en annulation auprès de la Cour constitutionnelle ?
Ces dispositions spécifiques habilitent le Gouvernement wallon à :
- Prendre des mesures légales normalement réservées au législateur en cas de circonstances de crise futures.
Pour la FEBEG, les circonstances qui autorisent le recours aux pouvoirs spéciaux doivent exister au moment où ces derniers sont accordés. - Enclencher le mécanisme par sa propre décision
Pour la FEBEG, les circonstances de crise qui donnent lieu à l’adoption de pouvoirs spéciaux doivent être constatées par le législateur (le Parlement) et non par l’autorité qui reçoit ces pouvoirs. - Disposer de la possibilité de faire usage de pouvoirs spéciaux de façon illimitée dans le temps et de déterminer la durée des mesures associées, ce jusqu’à un an.
Pour la FEBEG, les mesures issues de pouvoirs spéciaux doivent être proportionnelles et limitées dans le temps (quelques mois tout au plus) en fonction de crises constatées et validées par le Parlement.