La décision du gouvernement fédéral de donner la possibilité aux fournisseurs de gaz et d’électricité d’obtenir une garantie d’Etat représente une reconnaissance implicite des difficultés avérées de financement auxquelles sont confrontés ces derniers. Dans ce contexte difficile et volatil des marchés de l’énergie, il est positif que le gouvernement belge anticipe et travaille à temps à un système de garantie. Le secteur s’appuiera cependant prioritairement sur ses sources de financement existantes.
Raisons principales des tensions dans la trésorerie des fournisseurs
La situation de trésorerie des fournisseurs est depuis longtemps sous pression. En témoigne une liste non exhaustive de ce qui cause ces difficultés de financement :
- Les prix très élevés sur les marchés du gaz et de l’électricité. De ce fait, la demande de garanties financières très importantes pour acheter l’énergie à l’avance sur les marchés de gros (collaterals) se fait plus forte ;
- La perspective d'un hiver où la consommation des clients n’est en moyenne pas suffisamment couverte par la somme des acomptes versés par ces derniers ;
- Des coûts de déséquilibre extrêmement élevés assumés par les fournisseurs dans leur rôle de gestionnaire d’équilibre (BRP). Le fournisseur doit à tout instant mettre autant d’énergie à disposition que ses clients n’en consomment. Trop peu d’énergie livrée engendre des pénalités très importantes. Cette tâche complexe est encore plus ardue dans un contexte de niveau de consommation très incertain ;
- Le préfinancement par les fournisseurs de la différence considérable entre le tarif social et le tarif commercial moyen (ce pour les bénéficiaires traditionnels de ce tarif). La mise en œuvre du tarif social pour un ménage sur cinq en Belgique n’est en outre pas neutre en termes de coûts pour les fournisseurs. La compensation est insuffisante et génère donc des pertes significatives ;
- Un risque de défaut de paiement client en forte augmentation. En cas de non-paiement, le fournisseur perd non seulement sa part énergie de la facture, mais il est aussi tenu de payer les coûts des gestionnaires de réseaux ainsi que les taxes, prélèvement et obligations de services publiques aux différentes autorités publiques fédérales et régionale. A cet égard, la FEBEG réclame qu'en cas de défaut de paiement chacun des acteurs de la facture éponge sa part spécifique de la facture;
Le cumul de ces facteurs engendre une explosion des besoins de financement des fournisseurs. Ils ont besoin d'un fonds de roulement très important pour l'hiver.
Ce besoin a quasiment décuplé par rapport au début de la crise des prix sur les marchés du gaz. Autrement dit, un fournisseur doit actuellement mobiliser quasiment autant de cash en 1 mois qu’auparavant en 1 an.
Pour rappel, selon une étude de SIA-Partners, les cinq plus grands fournisseurs belges présentaient un profit moyen négatif (EBIT = profit avant intérêt et taxes) à hauteur -0,5%, ce en 2021. L’année 2022 ne semble guère mieux se présenter.
Marc Van den Bosch, general manager FEBEG: « Les garanties d’Etat ne seront utilisées qu’en dernier recours par les fournisseurs d’électricité et de gaz belges . Nos membres fournisseurs agissent en bon père de famille. Ils font tout pour préserver leur équilibre financier via des moyens traditionnels. Le recours à ces garanties d’Etat n’est en effet pas gratuit et est assorti de conditions contraignantes. La possibilité de recourir à cette garantie ultime de l’Etat vise à rassurer les consommateurs en ce qui concerne la pérennité de la fourniture d’énergie de leur fournisseur actuel ou futur ».
Un phénomène européen
La tension dans la trésorerie des fournisseurs n’est certainement pas une situation exclusivement belge.
ACER, l’association qui fédère les régulateurs des différents Etats membres européen, a confirmé dans un récent rapport que la grande majorité des fournisseurs européens connaissaient des problèmes de trésorerie et étaient actuellement en perte.
Plusieurs pays - notamment l’Allemagne, la Finlande, la Suisse, l’Autriche etc. - ont d’ailleurs précédé la Belgique avec des plans de soutien massif à des fournisseurs, producteurs et traders sur les marchés de l’énergie.